Turquie: les dangers de la démocratie

TURQUIE / REFERENDUM: la victoire de la démocratie?

Le « Oui » au renforcement des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan vient de l’emporter, de peu (+1,25 million de voix), mais la victoire est là.
Si les résultats définitifs ne seront prononcés que dans une dizaine de jours, et malgré les contestations de tous les partis politiques d’opposition (une première en Turquie), il n’en reste pas moins que ce moment historique pour la Turquie soulève quelques interrogations.

Profondément démocrates, nous devrions nous réjouir que la parole soit demandée au peuple, via un référendum ; au pays de la patrie dite des Droits de l’Homme, la consultation populaire est étrangement évitée, et quand elle est utilisée, elle peut être même niée: qui a oublié le Referendum de mai 2005?

Conséquences directes: des pouvoirs renforcés
– Suppression du 1er Ministre,
– Main-mise sur le pouvoir législatif (recours aux décrets) et judiciaire, droit de véto présidentiel…

Le contexte turc
– Les vagues d’immigration résultantes du conflit en Syrie, le « contrat » signé mais non respecté
avec l’Union Européenne concernant leur « accueil »,
– Le problème kurde,
– L’échec du coup d’Etat en juillet 2016,
– La main-mise sur les organes de presse, les révocations de fonctionnaires par milliers…

Des résultats disparâtres
– Dans les villes, le « Non » l’emporte: Ankara, Istambul, Izmir…
– Curieusement, les Turcs expatriés votèrent nettement pour le « Oui »: Allemagne (63%), France (63%), excepté aux Etats-Unis (mais la communauté turque y est peu nombreuse).

Les dangers de la démocratie
On ne peut que s’interroger sur les dangers de la démocratie, en pareil cas mais n’oublions pas qu’elle a déjà porté plus d’une fois au pouvoir de biens tristes dictateurs.
Le contrôle des organes de presse et le « baillonage » de tout opposant politique constituent sans nul doute des éléments suffisants pour contester l’esprit démocratique dans lequel s’organise une consultation populaire.

Maintenant, transposons l’esprit référendaire chez nous, en Breizh:
Certains revendiquent l’organisation d’une consultation populaire concernant la Réunification de la Bretagne. Les médias principaux complices des pouvoirs publics, la majorité de la population dans l’incapacité de prêter attention aux revendications des partisans d’une Bretagne autonome et les faibles moyens de communication dont disposent les défenseurs de Breizh, ne constituent-ils pas un danger pour qu’une consultation populaire soit organisée prochainement?

Source

Le Monde, 17 avril 2017