Rêve envolé, volé…

Agriculture locale / Île d’Arz / Résidence secondaires

Voici 50 ans, l’île d’Arz pouvait compter sur une dizaine d’agriculteurs. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un, un seul pour 250 habitants. La grande majorité des arziens souhaitaient pourtant qu’il y en est plus…. La demande est là, un couple de maraîchers vient même du continent deux fois par semaine pour subvenir aux besoins…

Seulement voilà: malgré la demande, malgré le soutien de deux maires successifs, un couple fraîchement débarqué (décembre 2014) après avoir tout quitter pour satisfaire tous les iliens a dû abandonner le projet.

Quel était le projet?

Produire des légumes, du miel et des plantes médicinales, le tout en agriculture biologique, pour une vente directe. En somme: une agriculture locale, respectueuse de l’écosystème et s’inscrivant ans l’économie locale.

A qui la faute?

Les propriétaires de résidences secondaires et les textes en vigueur concernant la protection du littoral!

Des débuts prometteurs

N’ayant quasiment plus d’agriculteurs sur l’île, ce qui est essentiel pour entretenir le paysage (lutte contre l’enfrichement entre autres) mais aussi pour cultiver le lien social, le maire de l’île, Daniel Lorcy, lance un appel à projet. La municipalité préempte alors deux hectares de terres fertiles, non loin du rivage, terres inconstructibles conformément à la loi littoral. Le préfet donne son accord…

Jean-François Bato & Aude Salmon répondent à l’appel et quelques mois plus tard, défrichent les terres couvertes de ronciers.
Arrivent les municipales, changement de maire, mais tout paraît rose: Marie-Hélène Stéphany reconduit le soutien de la mairie.

Printemps 2015: les nouveaux maraîchers de l’île installent un petit tunnel sur leur parcelle, dédié à la production de légumes d’été. Cinq structures au total sont prévues, recouvrant une surface de 2.000 m2, et elles sont vitales:
« Pour protéger les plants du mildiou, des espèces invasives et pour produire des légumes à temps pour la saison estivale, il n’y a pas d’autres choix que le tunnel. » (Maëlla Peden, Groupement des agriculteurs biologiques)
Pour masquer les tunnels qui accusent une hauteur de 4 mètres, est envisagé l’implantation de haies bocagères. Les fondations paraissaient viables et assurées, c’était sans compter sur l’intervention d’un propriétaire.

Résidences secondaires, Associations et Pétition

Non loin des tunnels, la propriétaire (Mme Denis) d’une maison familiale, maison qu’elle occupe comme maison secondaire, s’élève contre le projet, trouve une quinzaine d’opposants et crée une l’Association pour le respect et la protection des paysages de l’Île d’Arz. La majorité des iliens étant favorables au projet, lancent alors une pétition qui recueillera près de 400 signatures.

Qu’à cela ne tienne! Mme Denis contacte alors une association réputée pour sa police sur la loi littoral: les Amis des chemins de ronde. Un recours contre la mairie est lancé sous le motif suivant: les tunnels sont situés en zone protégée, donc illégaux.
L’équipe municipale précédente ayant avalisé le projet, la nouvelle mairesse se renseigne malgré tout auprès des autorités. Si l’avis de l’architecte des bâtiments de France est positif, en revanche, la nouvelle préfecture du Morbihan émet des réserves. Septembre 2015, la nouvelle mairie signifie aux nouveaux maraîchers qu’elle retire son autorisation, autrement dit: abandon total du projet.

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Jean-François Bato

Fin d’un rêve, désillusion et pertes sèches

Pour le couple, la pilule est plutôt amères:
« On s’est retrouvé sans rien, toutes nos économies sont passées dans le projet de maraîchage », explique Jean-François Bato. 46.000 € d’après lui, en heures de travail et achats de matériel. Sans compter le préjudice moral pour la famille : « Renoncer à un projet de vie dans lequel on s’est jeté corps et âme pendant un an et demi. »
Malgré tout, ils ne baissent pas les bras et pensent rebondir en obtenant un prêt bancaire afin de financer la rénovation d’une vieille maison et l’installation de ruchers. Ils consacrent leurs semaines hivernales à la construction des ruches, mais comptent sur une indemnisation ed la mairie, une somme de 30.000€ que la mairie refusera, la jugeant trop élevée.

Et pourtant:

– L’installation de tunnels n’est pas illégale de fait!
« Même si les espaces remarquables sont normalement inconstructibles, la loi autorise certains aménagements légers, notamment ceux nécessaires aux activités agricoles » (Olivier Lozachmeur, docteur en droit public, et spécialiste du droit littoral).
– Des serres existent en des zones protégées!
Des « agriculteurs ont installé des serres dans des zones protégées » (Julien Brothier, éleveur de brebis, Confédération paysanne)
– Un reclassement était possible!
Il n’est pas interdit à une mairie de reclasser une zone protégée en zone agricole. La nouvelle municipalité fera le choix de satisfaire la plainte de Mme Denis. On ne peut déplaire aux populations les plus aisées, fussent-elles présentes qu’une partie de l’année!

le matériel laissé sur place

matériel agricole abandonné sur place

Et maintenant?
Si J.F Bato & A.Salmon ont quitté l’île pour s’installer sur Brocéliande, une indemnisation reste toujours de mise.

Un cas isolé?

Malheureusement, ce rêve gâché n’est pas insolite. Combien de projets similaires, nécessaires, bien construits, légaux ont-ils été abandonnés suite à une opposition de riverains?
L’agriculture de proximité est essentielle, elle respecte les équilibres naturels, entretien les paysages et est importante aussi bien pour l’écosystème que pour l’économie locale. Les plus aisés semblent avoir de longs jours devant eux pour imposer leurs caprices profitant de failles législatives. L’agriculture intensive ne semble pas leur poser de problème, cela se passe loin de leur pré-carré, qu’importe la mal-bouffe générale et les dégâts environnementaux dès lors que l’on a le pouvoir d’achat pour s’assurer tranquilité et santé!

l’enquête de Claudine Visaye, correspondante du Télégramme

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